Le KRAKEN

Le KRAKEN

Nous avons reçu de l’un de nos équipiers, écrit sur un beau parchemin,  ce rapport de mer plein d’une poésie toute maritime que nous nous faisons un plaisir de transcrire fidèlement ici

C’est en ce 26 messidor, 14 juillet du calendrier grégorien, que nous nous retrouvâmes, fiers équipier de Massalia, pour une nouvelle aventure en mer du milieu.

Notre navire, récemment entretenu par quelques bons hommes, qui en repeinrent notamment les avirons, et de retour d’un voyage à Sausset-les-Pins, nous attendait sagement au port.

Une légère brise de sud-ouest soufflant, je livre ici la composition de l’équipage de ce jour :
-Jean, Chef de Bord
-Jean-Patrick, Brigadier arrière et Chef de Bord en second.

Furent affectés au Taillevent (voile du centre, la plus grande) :

-Guillaume, Chef de nage (le plus en arrière des hommes d’avirons, qui donne la cadence) et donc aussi Chef de mat  à la drisse (bout de levage) du Taillevent. Outre les fonctions citées ici, Guillaume possédait le titre de fanfaron, car connaissant moultes chants marins, qui, on le verra, sauvera notre équipage dans de nombreuses manœuvres, en lui redonnant gaité et entrain dans les situations les plus périlleuses.
-Jeremie, nageur (homme d’aviron) et équipier à l’écoute (point arrière de la voile),
-Juliette, nageuse et équipière à l’amure (avant de la voile). Seule femme à bord en ce jour.

Entre Taillevent et Misaine (voile d’avant) :

-Christian (dit « l’artiste »), nageur et équipier polyvalent.

Furent affectés à la misaine:

-Gilles, nageur, Chef de Bord en second, et Chef de mat Misaine,
-Owen (dit « le Corse » ou « Polnareff-sans-cheveu »), nageur et équipier à l’écoute,
-Mathieu, votre serviteur, nageur, équipier à l’amure et brigadier avant (chargé de la surveillance d’autres navires).

Ainsi donc, après avoir levé les mats, rangé soigneusement les avirons, et embarqué vivres et eau douce en grande quantité, nous voilà embarqués pour cette nouvelle aventure.

Mais !! La chaloupe étant fin prête et déjà, les équipiers impatients de larguer un ris, nous nous aperçument au dernier moment d’une chose singulière : il nous manquait un homme !!!

Ah !! Nous savions bien que l’un de nous-que nous ne citerons pas ici par pudeur-avait festoyé la veille dans quelque établissement de marin du Vieux Port! Force vin et amusements auront rendu difficile son réveil !!! Et voilà que justement, notre homme débarque, la tête enfarinée, et peu sûr de son pas !!

Enfin, nous pouvions larguer les amarres !!!

La sortie du port, aux avirons, se fit comme à l’habitude, aux ordres du chef de bord :

-« Avant !!»
-« Deux !! »

Embarquant certains novices, dont votre serviteur, il nous fallut quelques coups de rame pour nous mettre tous dans le même rythme et le même mouvement que le chef de nage.

Les voiles furent hissées en pleine mer à la force des bras, à quelques brassées de la jetée. Nous allions bon train, et l’ambiance à bord était fort bonne. La brise nous faisait filer d’une allure légère au gré de l’eau, et nous nous réjouissions déjà de la bonne collation qui nous attendait.

»

Le navire géant et le Kraken

Ayant mis le cap sur les Iles du Frioul, nous projetions de contourner le Château d’If et de rejoindre une paisible calanque pour notre mouillage du midi.

Désormais à vive allure-la chaloupe, fine et de faible tirant d’eau, étant capable de vitesses plus qu’honorables, nous nous aperçument soudain qu’au loin un obstacle de taille faisait route sur notre exacte trajectoire : un navire de fer de près de 18 mille tonneaux nous en barrait la route !!!

Panique !! Branle-bas !!! Tous aux écoutes !!!

Armés d’une grande sagesse, et ne sachant prendre le risque de quelque collision avec ce géant des mers, ou même de nous retourner sur une des puissantes vagues de son sillage, il fut décidé par le Chef de Bord, appuyé de ses adjoints, de tirer un long bord pour retarder notre arrivée.

Que nous en a-t-il bien pris !!!

Nous fûment sauvés par ce geste, mûrement réfléchi. D’ailleurs, si je puis m’en permettre la comparaison, ne dit-on pas dans le milieu:
« Un cachalot à tribord est prioritaire , et à babord aussi !!!!

Allant, rassurés,  bien qu’encore émus, nous viment enfin passer le monstre imperturbable et interminable de longueur, droit sur son cap.  D’une hauteur infinie par rapport à notre yole qui paraissait si frêle en ce moment, et tel un navire fantôme devant nous… Inscrit sur son immense étrave, nous pûment en lire son nom : Elyros. L’on entendit plus tard que ce monstre apprétait à traverser la mer dans son entier en direction de l’Algérie…

Nous n’étions, ce jour-là, pas au bout de nos émotions.

Nous mouillâmes dans cette calanque de profondeur moyenne, nommée Ratoneau. Le clapot y était relativement fort. Nombres de navires de visiteurs y étaient présents, faits de cet étrange matériau blanc que l’on appelle « plastique », et mûs par des engins non moins étranges, bruyants et produisant forces fumées et odeurs malsaines, nommés « moteurs ».

Massalia, elle, dans un silence divin et pur, arriva par le sud.

Nous jetâmes l’ancre.

Fête ! Nous cassâmes le goulot de quelque bonne bouteille et entamâmes les gourmandises.

La chaleur était intense, et il nous fallait nous protéger, sinon nous rafraîchir. Certains équipiers se jetèrent donc à l’eau. Et c’est du navire notre voisin que nous entendîment la nouvelle : il fut vu sous nos coques une étrange créature de très grosse taille, un poulpe, mais si grand qu’on peut le dire : un Kraken était présent en calanque de Callelongue.

Si je parle de Kraken, je fais ici référence au monstre légendaire des mers du nord. Le poulpe immense, dévoreur de marins et de navires entiers, craint et redouté sur tous les ponts…

Il nous était préférable de ne pas trop tarder en ce lieu …

Après nos dernières bouchées, il fallait partir. Mais encore une fois, un marin manquait à l’appel. Nous l’appelâmes, et cherchâmes en vain, quand soudain l’un d’entre nous fit cette découverte : là, caché sous la grand-voile, s’abritant du soleil ravageur qui nous martellait, l’artiste s’était assoupi d’un sommeil profond… !!!

Notre retour au port fut sans difficulté, rythmé par des exercices de l’« homme à la mer ». En effet, en guise d’entrainement que tout bon équipage se doit de réaliser pour garder ses capacités, nous largâmes à plusieurs reprises une bouée à la mer -faisant office d’homme-, ceci nous obligeant à manœuvrer en urgence pour la récupérer.

Nous manquâmes de perdre un moment notre femme de bord -Juliette-, fort éprouvée par les rayons d’un soleil puissant. Elle fut de bon repos sur un des bancs, dès lors qu’aucun médecin n’était présent parmi nous, et finalement se remit de toutes ces émotions.

Ainsi se termina cette aventure…

Merci à nos chefs de bord !

« Et les marins d’Hydra, s’ils te voyaient sans voiles, te prendraient pour l’Aurore aux cheveux plein d’étoiles. »

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